Elfenn Un certain gout de plomb

Entretien avec Elfenn (2021)

Deux ans après avoir illustré Le Septième continent, Elfenn met en couleur un nouveau roman pour Oneiroi, Un Certain goût de plomb, qui prend place dans un univers de wild fantasy.

Elfenn
L’illustratrice Elfenn

Oneiroi : Peux-tu nous (re)parler un peu de toi, de ton parcours, tes passions, tes projets du moment ou à venir ?

Mon parcours est un peu trop chaotique pour être résumé ! Je suis une touche à tout, passionnée d’imaginaire au sens large mais aussi de nature, de photo, de jeu vidéo et d’image en général. Niveau dessin et peinture, j’utilise soit des techniques traditionnelles (crayon, aquarelle, encre…), soit numériques.

En ce moment, je suis en plein Inktober, cet événement artistique mondial qui invite chaque mois d’octobre les artistes de tous niveaux à faire un dessin par jour, si possible à l’encre, en suivant une liste de mots-clefs. Cette année j’ai décidé de réaliser un unique dessin qui reprend tous les thèmes, entièrement à l’encre et à la plume, et en suivant le fil rouge de l’art japonais. Je le mettrai en couleurs après l’évènement.

O : Quelles sont tes principales sources d’inspiration ?

Elles sont très variées et fluctuent en fonction de mes attraits du moment. Durant longtemps, mes sources d’inspiration artistique provenaient essentiellement des illustrateurs fantasy français (Sandrine Gestin en tête). Aujourd’hui, je suis plus attirée par des styles plus bruts, plus réalistes, c’est le style vers lequel je me suis orientée pour mes illustrations d’Un Certain goût de plomb. L’univers graphique de certains jeux vidéo peut également me donner envie de m’orienter vers d’autres techniques, à l’image de l’inimitable patte de Borderlands. Niveau BD, mon dernier gros coup de cœur en date est pour Monolith (éditions du Long-Bec), illustré par LRNZ, qui a fortement influencé le style vers lequel je souhaite m’orienter. De façon plus spécifique, pour le personnage de Jo, je me suis inspirée des fascinants clair-obscur de Georges de la Tour.

O : Qu’est-ce qui donne, selon toi, son cachet/sa particularité/sa crédibilité à une illustration ? Comment y parviens-tu avec ton travail ? 

La lumière ! Pour moi, elle fait 80 % du réalisme d’une image. Même un style de trait très irréaliste, qu’il s’agisse de lignes simplistes ou de graphismes basés sur des disproportions, prend toute sa profondeur et acquiert une crédibilité certaine grâce à la lumière. Je pense que la plupart des artistes passent leur vie à améliorer leur gestion de la lumière, et j’y travaille moi aussi.

Un certain gout de plomb - Arnaud Cazelles
Joseph Ringueval, pistolero hors pair fuyant son passé ; illustration : Elfenn

O : Quels est le type d’univers de steampunk, de fantasy ou de science-fiction auquel tu es le plus sensible ? 

Là encore, ça dépend des périodes. Comme beaucoup d’amateurs de fantasy, j’ai été fortement marquée par Le Seigneur des anneaux (je parle des films, car j’avoue n’avoir jamais lu les livres…). Dans un autre registre, j’ai énormément aimé la saga de Stephen King La Tour sombre, dont l’univers western très cru est proche de celui d’Un Certain goût de plomb ! Et je suis une grande, grande amatrice de Dune, de Frank Herbert, magistralement porté à l’écran par Denis Villeneuve cette année.

O : Quels est l’univers de steampunk, de fantasy ou de science-fiction connu dans lequel tu aimerais vivre ? Pourquoi ?

Haha question difficile ! À choisir, j’irais vivre dans l’univers des studios Ghibli et je demanderais une chambre au cœur du château ambulant. Pour leur douceur, leur étrangeté, l’imaginaire débordant de chaque film, les couleurs, la chaleur qui en émane.

O : As-tu un grigri/une manie qui t’accompagnes dans ton travail ? Écoutes-tu de la musique en travaillant ? Si oui, laquelle ? 

J’ai tendance à toujours avoir une série en fond sonore et visuel, je fais ça depuis l’époque où, ado, je dessinais devant la télé. Aujourd’hui, je n’ai plus la télé, mais j’ai Netflix ! Il m’arrive également de dessiner en musique, en général je choisis des playlists qui correspondent à l’univers que j’illustre.

O : Comment appréhendes-tu un projet ? Le fait d’illustrer un univers, qui au départ ne t’appartient pas mais sur lequel tu vas laisser ton empreinte ?

J’estime qu’il faut forcément avoir une certaine sensibilité à l’égard de l’univers qu’on illustre ; si on ne l’a pas, c’est faisable quand même mais ça va être beaucoup plus contraignant et ça risque de se ressentir sur l’illustration. Pour Un Certain goût de plomb, mon affinité avec cet univers était très prononcée et j’ai eu énormément d’images en tête au fil des pages du roman. Ça foisonnait et j’avais envie de tout illustrer ! Le plus dur était de trier et de tenter de retranscrire ma vision sur le papier.

On a toujours une certaine peur de trahir l’auteur en s’accaparant son univers, il faut essayer d’imaginer ce qu’il avait en tête tout en le « traduisant » à travers le prisme de notre propre vision du récit et c’est un exercice de jonglage parfois délicat.

Un Certain goût de plomb - Arnaud Cazelles
Na’wé, esclave chamane en quête de vengeance, invoque les Wak’ – les Autres ; illustration : Elfenn

O : Comment as-tu travaillé la thématique de la wild fantasy ? As-tu cherché à éviter les clichés inhérents au genre ou, au contraire, à jouer avec ?

Pour l’univers western, il est difficile d’échapper aux clichés du genre. J’ai cherché à les éviter, mais il fallait quand même que les codes principaux soient respectés afin que le thème saute aux yeux, qu’on n’ait aucun doute sur l’univers dans lequel on va être plongé et qu’un amateur de western se sente tout de suite attiré par le visuel. Sur la couverture, le côté fantasy est incarné par le kaméléon au loin, qui ajoute une touche de décalage avec le reste de l’image et permet de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un western traditionnel.

O : Qu’as-tu le plus apprécié en travaillant sur Un Certain goût de plomb ? Qu’est-ce qui fait, selon toi, les forces de cet univers ?

Son écriture, très brute, et son univers dur, profondément réaliste même s’il s’agit d’un monde imaginaire. On retrouve certains personnages emblématiques des westerns, pourtant Arnaud Cazelles est parvenu à faire en sorte qu’ils ne soient pas caricaturaux, ce qui est un bel exploit. Pour moi il s’agit d’une vraie pépite, comme on en découvre peu.

Un Certain gout de plomb

O : En quelques mots, que dirais-tu aux personnes qui hésitent à contribuer à la campagne Ulule d’Un Certain goût de plomb

Au-delà du soutien à un roman dont l’univers nous attire, la campagne représente un énorme coup de pouce à toute la chaîne qui gravite autour, qu’il s’agisse de l’auteur, des illustrateurs, de l’éditrice… Soutenir ce projet, c’est également un moyen de soutenir de façon concrète l’édition indépendante.

Depuis un bon moment, l’édition mainstream (même si je n’aime pas ce terme) ne peut plus se permettre de prendre des risques en publiant des auteurs méconnus. Au final, ce sont les petits éditeurs indépendants qui les prennent, ces risques ; mais sans le soutien du public, ça n’ira pas bien loin.

N’allez pas non plus hypothéquer votre maison pour participer financièrement à la campagne, hein ! Partager, diffuser, parler de cette campagne autour de vous, c’est déjà une façon de participer qui est très précieuse pour nous tous !

Pour suivre le travail d’Elfenn, abonnez-vous à son compte Instagram : @eleven.hm
Et pour contribuer à la campagne, c’est par ici : Ulule-UCGP.

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